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« Beaucoup de chiens s'appellent Ulysse. Mais le chien d'Ulysse, comment s'appelait-il ? Argos. Il attend son maître dans des conditions moins confortables que Pénélope. Toujours prudent, le roi d'Ithaque, quand il aborde enfin son île, s'est rendu méconnaissable, avec la complicité d'Athéna. Et pourtant, Argos le reconnaît. Négligé maintenant en l'absence du maître, il gisait, étendu devant le portail, sur le tas de fumier des mulets et des bœufs où les serviteurs d'Ulysse venaient prendre de quoi fumer le grand domaine ; c'est là qu'Argos était couché, couvert de poux. Il reconnut Ulysse en l'homme qui venait et, remuant la queue, coucha les deux oreilles : la force lui manqua pour s'approcher de son maître. Ulysse l'avait vu : il détourna la tête en essuyant une larme...Poséidon, avec l'esprit vindicatif qu'on connaît aux dieux, s'était en vain acharné sur Ulysse. Mais lui arracher une larme n'a été donné qu'à son vieux chien. »

Des vies, mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu'une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle. L'un et l'autre : l'auteur et son héros secret, le peintre et son modèle. Entre eux, un lien intime et fort. Entre le portrait d'un autre et l'autoportrait, où placer la frontière ? Les uns et les autres : aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus.

GRENIER ROGER Les larmes d'Ulysse

14,00 €Prix
  • Éditions Gallimard, coll. « L'un et l'autre », 1998

    ISBN : 9782070753116

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