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Nouvelles littéraires

États provisoires du poème numéro 16 Nouvelle série

Grèce, permanence des mythes

Cheyne, 2016, 192 p., 22 €

Les États provisoires du poème font peau neuve. Ce numéro 16 est le premier d’une nouvelle série. Désormais la revue sera consacrée chaque année à un pays ou à une langue, en relation avec la programmation du Théâtre National Populaire de Villeurbanne. Les contributions s’intéressent cette année à la Grèce. En 2017, elles feront le long voyage jusqu’au Japon.

Quels enseignements apporte aujourd’hui, pour nous Européens, la mythologie grecque ? Quelles sont les richesses à retrouver dans la langue grecque classique et moderne et, au-delà, dans les paysages et le peuple de Grèce ? La recherche de l’origine de l’identité européenne, recherche menée ces temps-ci sous des prétextes troubles et qui néglige trop souvent la réflexion et le recul, gagne à faire le voyage retour vers la patrie d’Ulysse.

Ça va aller, tu vas voir

Christos Ikonomou

Traduit par Michel Volkovitch

Meudon, Quidam, 2016, 228 p., 20 €

Dans ce recueil de nouvelles paru en 2010, Christos Ikonomou choisit très judicieusement les quartiers autour du Pirée, zones populaires paupérisées par la crise mais aussi espaces urbains très représentatifs du passé de la Grèce. Ses héros sont porteurs des strates violentes de l’histoire récente : guerre civile, dictature, drogue, vie ouvrière. Une jeune femme abandonnée par son amant qui la vole et qui se demande où va le monde « si les pauvres font ça aux pauvres ». Un jeune homme qui attend son moment pour venger le viol de sa sœur. Un père chômeur qui rougit à l’avance de demander de l’argent à sa fille adulte… Ikonomou capte des vies modestes et tragiques avec un grand talent dans le récit bref : ses personnages ne sont pas réduits à des silhouettes ou des archétypes ; la tranche de leur vie racontée en quelques pages vous prend aux tripes. Les chutes, toujours bien menées et percutantes, inscrivent durablement tous ces pauvres héros dans la mémoire du lecteur. En évitant le pathos, dans un juste équilibre entre ironie et humanisme, Christos Ikonomou est parvenu à donner un bouleversant visage humain à l’abstraction de la crise grecque.

Les éditions Cambourakis poursuivent leur travail de réédition des trésors épuisés de la littérature néo-hellénique. Parmi les titres déjà parus dans cette collection nommée λογοτεχνία [littérature], nous vous proposons trois romans passionnants:

Pedro Kazas Fotis Kontoglou Traduit par René Bouchet Paris, Cambourakis, 2016, 144 p., 10 €

« Je ne pensais pas qu’il fût possible, pour un homme qui a vu ce que j’ai vu, entendu ce que j’ai entendu, de s’asseoir devant une table pour écrire sans que le ciel lui tombe sur la tête ». Ainsi commence le récit picaresque du narrateur, descendant d’une lignée de riches corsaires. Né aux Indes au xviiie siècle, il entreprend de partir à la recherche du prétendu assassin de son ancêtre. Naviguant sur les mers du Sud, il finit par échouer sur une île déserte où il rencontre Oso, un homme étrange et particulièrement taciturne qui éveille en lui ses soupçons… Un foisonnant roman du peintre Fotis Kontoglou (1895-1965), célèbre pour ses œuvres d’inspiration byzantine et qui fut, notamment, le professeur de Yannis Tsarouchis.

L’Honneur et l’argent Constantin Théotokis Traduit par Lucile Arnoux-Farnoux Paris, Cambourakis, 2015, 121 p., 9 €

Dans la touffeur de l’été corfiote naît entre Andréas, héritier d’une lignée de notables ruinés, et Rini, aînée d’une famille d'ouvriers, un amour impossible, corrompu par la nécessité et par des idéaux divergents. Tandis que la mère de Rini, l’honnête et laborieuse Epistimi, s'échine à la fabrique locale pour constituer sou après sou la dot de ses filles et maintenir vaille que vaille la respectabilité de sa maison, Andréas, lui, oscille entre la blonde candeur de Rini et l’irrésistible attrait de l'argent ; et, voulant préserver son honneur, il met en péril celui de sa bien-aimée... Ce roman magnifique occupe une place très importante dans la littérature néo-hellénique. Publié en 1914, ce court roman naturaliste éclaire à la fois le climat politique de la vie à Corfou et le problème de l’argent, véritable leitmotiv, dans la vie de jeunes gens qu’un bel amour pourrait unir. La thèse défendue par Théotokis n’alourdit pas le récit car ses personnages ont une puissance tragique extraordinaire et le personnage magnifique de Rini, dont le sexe et la classe sont un double handicap, donne une bouleversante leçon de dignité. Un classique à (re)découvrir grâce à cette nouvelle édition de la traduction de Lucile Arnoux-Farnoux.

La Liberté et la mort Nikos Kazantzaki Traduit par Michel Saunier Paris, Cambourakis, 2016, 608 p., 25 €

Éloge de la Crète et de son indépendance en pleine occupation turque, La Liberté et la Mort est une fresque tumultueuse ayant pour protagonistes deux frères ennemis, l’un turc – Nouri Bey – l’autre crétois – le capétan Michel. D’une sombre affaire de vengeance et d’honneur va naître une guerre civile. Kazantzaki dévoile ici une nouvelle fois son amour inconditionnel pour sa terre natale et son sens inégalé pour incarner des personnages. Partagé entre douceur orientale et traditions grecques, ce roman explore en profondeur les contradictions et les passions de l’âme humaine, et prolonge sans faiblir le souffle de révolte qui habite Alexis Zorba.

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