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Aux Sources du Rébétiko

Chansons des bas-fonds, des prisons, et des fumeries de haschisch. Smyrne - Le Pirée - Salonique (1920-1960).

Gail HOLST

 

Les touristes qui visitent la Grèce ne connaissent  guère le rébétiko, musique urbaine importée de Turquie dans les années 1920, qu’on qualifie parfois de « blues grec », et qui se survit aujourd’hui dans quelques bonnes tavernes, après avoir influencé les compositeurs Hadjidakis et Théodorakis, et des chanteurs comme Nikos Papazoglou, Haris Alexiou, Maryo ou Dalaras. Gail Holst, Australienne de naissance, mais Grecque de cœur, a parcouru les bas quartiers et les campagnes de Grèce dans les années 1970, rencontrant chanteurs et amateurs de rébétiko. Elle en a tiré ce livre, abondamment illustré de photos et traduit en plusieurs langues. Son travail musicologique lui a valu la reconnaissance de plusieurs musiciens dont Mikis Theodorakis, qu’elle a d’ailleurs accompagné au clavecin à une époque. Elle enseigne aujourd’hui à l’université Cornell aux Etats-Unis, mais ne dédaigne pas de pousser la chansonnette rébétique quand l’occasion se présente. Cette réédition reprend celle de 2010, mais y ajoute un avant-propos inédit de Michel Volkovitch. Le choix des chansons qui accompagnent le livre privilégie les enregistrements originaux de la grande époque du rébétiko. Il n’y aura pas de CD joint, mais on pourra écouter les chansons sur ce site.

 

Lire un extrait

3/ Le Pirée dans les années 1920 – Début du voyage

Si vous débarquez aujourd’hui d’un bateau au Pirée, et  que vous dirigez vers la station de métro voisine, vous passerez devant un gros socle en béton surmonté d’une statue de Karaïskakis, un héros de la Guerre d’indépendance. Vous ne pouvez pas le rater sur son cheval dressé sur les pattes arrière et avec sa fine moustache. Mais si vous aviez suivi le même chemin vers 1929, vous auriez trouvé en lieu et place du square et de sa statue, un dédale de petites rues et d’échoppes. Dans l’une d’elles, vous auriez pu déguster une tasse d’un velouté café turc et demander une pipe à eau, ou narguilé, que le tenancier aurait retiré précautionneusement d’une étagère avant de l’allumer à l’aide de quelques charbons incandescents. Des hommes aux moustaches soigneusement taillées y prendraient leurs aises sur des sièges tressés de jonc, jouant avec leurs chapelets d’ambre (komboloï) et échangeant quelques considérations sur la difficulté de trouver un boulot – à moins que, pris par la nostalgie, ils n’aient préféré évoquer leurs maisons et leurs terres perdues de Turquie.

De l’une des boutiques voisines vous parviendrait le son affaibli d’une musique. Vous auriez alors pu questionner Nikos Mathésis (alias Nikos le Fou) ou Marinos la Moustache, qui, pour toute réponse, vous auraient alors guidé vers le téké voisin pour écouter Batis divertir ses amis avec son minuscule baglama. Vous y auriez découvert des mangkès assis sur le sol autour d’un feu de bois et un garçon occupé à bourrer les narguilés de haschisch avant de les passer à la ronde. Batis aurait commencé par improviser un taximi selon le mode rast, avant d’entamer un morceau de sa propre composition, ou, à défaut, de Papazoglou, dit le Concombre. Mais, à moins que vous n’ayez été vous-même un mangkas, vous n’auriez pas compris facilement toutes les paroles des chansons, écrites principalement en argot :

« Là-bas, vers Lemonadika, les flics ont attrapé une paire de voleurs de choux (pickpockets). Ils leur ont mis les fers (les menottes) et les ont emmenés dans le réduit (la prison), et s’ils ne retrouvent pas le chou (le portefeuille), ils vont leur faire bouffer du bois (les tabasser)…»

Pendant ce temps, un des mangkès, déjà bien « défoncé », aurait commencé à danser lentement. Pendant qu’il tournerait sur lui-même en tanguant, que les autres fumeraient et chanteraient, Batis tirerait de son instrument quelques douces notes tristes, permettant à tous d’oublier un moment la vie âpre du Pirée de ces années-là.

 

HOLST Gail Aux Sources du Rébétiko

9,00 €Prix
  • Etienne Lesourd (Traduction), Monique Lesourd (Traduction)

    Éditeur ‏ : ‎ Les Nuits Rouges; édition revue et augmentée (9 juillet 2010)

    Nombre de pages: 152

    Date de parution: 29 avril 2022

    ISBN: 9782913112421

    Poids de l'article ‏ : ‎ 200 g

    Dimensions ‏ : ‎ 12 x 0 x 19.5 cm

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